Eugène Bévant

Ces informations sont tirées d’un tract de l’après-guerre intitulé « Les Anarchistes et le cas de conscience » (Paris : Librairie Sociale, 1921)

  • Eugène Bévant naît le 22 juin 1884 à Minzier dans une famille d’agriculteurs.
  • En 1905, il refuse de faire son service militaire obligatoire.
  • Il se rend à Paris, où il rencontre Alphonse Barbé et les anarchistes.
  • En janvier 1906, poussé par ses parents, il accepte de faire son service militaire.
  • En mars 1906, Eugène Bévant est convoqué devant le conseil militaire pour s’être absenté sans permission et reçoit une condamnation avec sursis. Il s’enfuit de la caserne tout juste 4 jours après son procès.
  • Il passe 18 mois en Suisse, d’où il est expulsé pour avoir participé à une campagne antimilitariste. Il est ensuite expulsé d’Allemagne pour s’être entretenu avec des anarchistes allemands.
  • Le 31 décembre 1907, il se rend à Londres, en Angleterre.
  • Eugène Bévant fait partie d’un petit groupe de déserteurs français et sa maison de Manette Street, au centre de Londres, sert de QG pour le Groupe d’Études sociales, qui distribue le journal français d’art anarchiste Action d’art.
  • En décembre 1916, il est arrêté par la police anglaise.
  • En janvier 1917, le tribunal militaire français le condamne à 5 ans de travaux forcés.
  • Eugène Bévant est envoyé à l’armée, mais il déserte.
  • Il parvient à se rendre à Paris où il collabore avec quelques militants restants, notamment Alphonse Barbé.
  • Eugène Bévant est arrêté et incarcéré dans une prison militaire de Grenoble.
  • Alphonse Barbé témoigne au procès d’Eugène Bévant et parle de son amitié et de sa solidarité.
  • Au cours de l’été 1920, le journal anarchiste Le Libertaire tente aussi de collecter des fonds pour lui.
  • En août 1920, Eugène Bévant est condamné à 18 mois de prison par le conseil de guerre. Sa précédente condamnation avec sursis est annulée.

Au conseil de guerre de Grenoble, été 1920 :

« Oui, j’ai refusé de tuer mon semblable et cela je le clame à la face de votre conscience d’hommes et non de juges. […] J’ai été élevé suivant la doctrine du Christ, celle du respect de la vie et du bien d’autrui et avec les enseignements de mes parents, qui, dans leur simplicité, m’ont toujours donné la notion du bien et du beau […] pour en arriver à ma première désertion, comme vous l’appelez, en 1905, que de déchirements de cœur pour ma famille et moi. Me séparer à tout jamais de ceux que j’aimais et ne plus les revoir. […] La cruelle réalité a voulu que mon père mourut en 1907 ; que mon plus jeune frère après avoir été évacué du front de l’Yser mourut en janvier 1915. Je ne les ai jamais revus. […] En 1917, [le temps] emporta ma mère, décédée sans que nous ayons pu nous revoir ; et en juillet 1918 mon frère aîné est mort à l’attaque de Tahure, ne l’ayant revu que trois fois lors de ses permissions. Voici les souffrances que nous avons endurées, les miens et moi. » 

Lorsqu’on lui demanda s’il avait autre chose à rajouter :

« Deux mots […] : nous avons en face l’une de l’autre deux forces opposées ; d’un côté, la force brutale que détient une caste privilégiée, caste qui régit les lois sociales et morales actuelles, caste qui a à son service la police, l’armée, la magistrature, la religion et l’ignorance des masses. Du côté opposé, la force du raisonnement, raisonnement basé sur toutes les connaissances humaines des philosophes, des scientifiques, du monde savant ; force qui pratique constamment la philosophie du doute à la recherche de la Vérité. Vous pouvez l’affaiblir en me condamnant, mais non l’abattre ; la Vérité finira toujours par avoir raison. Maintenant, regardez-moi, si j’ai la physionomie d’un lâche. »